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Les pèlerinages, de tous temps et partout

Le déplacement des hommes et des femmes, généralement à pied, vers des lieux de dévotion est une pratique qui apparaît depuis la nuit des temps et dans de très nombreuses cultures.

Comme en atteste le site de Stonehenge (2400 av. J-C.), en Angleterre, les traces des premiers pèlerinages remontent à la fin de la préhistoire. Plus tard, dans l’Antiquité grecque, les pèlerinages se sont développés autour d’un sanctuaire (sanctuaire d’Epidaure), d’une source, d’une grotte (grottes d’Amphiaros et de Trophonios) ou d’un puits. Dans le bassin méditerranéen, on pratiquait souvent l’incubation, rite divinatoire qui consistait généralement à dormir près de ces lieux pour obtenir, sous l’aspect d’un songe, les prescriptions d’un dieu guérisseur.

Revêtant la forme d’une rencontre avec le surnaturel en un lieu précis où ils participent à une réalité autre que la réalité profane, les pèlerinages se sont répandus, au fil des siècles, à travers de nombreuses religions. Signe de leur état de santé : en 2016, le nombre de pèlerins dans le monde a été estimé à 500 millions, dont 90 à 100 millions de chrétiens, les 80 % restants se partageant entre l’islam, le bouddhisme et surtout l’hindouisme.

Pèlerinages chrétiens

Les pèlerinages se développent au IIIe siècle sur les principaux lieux saints mentionnés dans les Evangiles et l’Ancien Testament, particulièrement sur les lieux de la Passion du Christ comme le site du Saint-Sépulcre.

Au Moyen Age, le but premier du pèlerinage médiéval est la possibilité de « toucher » les reliques du saint, geste qui assure, outre le sacrifice financier ou temporel qu’il suppose, une plus grande efficacité que la prière à distance. Toutefois, les pèlerinages chrétiens rassemblent rarement des foules de gens ne voyageant que par piété sur des routes bien balisées, mais prennent le plus souvent la forme de voyages solitaires ou en petits groupes (essentiellement des hommes) mêlant de nombreux commerçants sur des routes muletières. Ces petits groupes sont animés par des raisons pieuses ou moins pieuses : la foi, la repentance, le défi, les affaires, le « pèlerinage par procuration », parfois dans le but de rompre avec sa famille et son milieu professionnel, parfois dans un but à dominante touristique (découverte de nouveaux monuments, cuisines, personnes). Quant aux sanctuaires lointains (pèlerinages au long cours), ils sont une destination pour ceux qui en ont les moyens.

Les pèlerins mieux encadrés

C’est à l’époque carolingienne (VIIIe au Xe siècle) que se développe la protection juridique du pèlerin et que naît ainsi, progressivement, un ordre des pèlerins et une loi des pèlerins, le tout constituant un statut du pèlerin. C’est encore au Moyen Âge que s’organisent les grands sanctuaires de pèlerinage de la chrétienté qui jouent un rôle religieux et culturel, mais répondent également à une nécessité économique (production et vente d’objets souvenirs, offrandes, structures d’accueil qui assurent d’importants revenus au sanctuaire). C’est aussi le moment où les pèlerins sont progressivement encadrés (gîte et couvert) en raison des dangers qui guettent les voyageurs, mais aussi pour éviter que certains ne s’en servent comme alibi pour rompre avec leur milieu d’origine.

Vers la fin du Moyen Age, à partir du XIVe siècle, le pèlerinage décline au profit du pèlerinage spirituel et intérieur, mais aussi de l’insécurité des routes pendant la Guerre de Cent Ans et les guerres de religion. À partir du XVIe siècle (époque où le protestantisme condamne les pèlerinages, prétexte au vagabondage, au loisir ou à l’idolâtrie, et où les États qui se centralisent veulent contrôler le déplacement de personnes), le pèlerinage régional ou local contrôlé par les clercs est privilégié, favorisé par les récits de miracles liés à des sanctuaires locaux (pèlerinages expiatoires et judiciaires).

Le pèlerinage fléchit puis se redresse

Au XVIIIe siècle, la philosophie des Lumières, qui critique le commerce des reliques et le trafic d’indulgences dont le pèlerin peut bénéficier, est en partie à l’origine du fléchissement de « pèlerinage au long cours », celui de proximité se maintenant.

Au XIXe siècle, toutefois, le pèlerinage se redéveloppe grâce à des modes de transport plus rapides, tels les char-à-bancs pour le pèlerinage de proximité et les chemins de fer pour les pèlerinages au long cours, ceux-ci se voyant dynamisés par la réouverture du pèlerinage de Jérusalem.

Depuis les années 1980, le renouveau du pèlerinage au long cours est en partie lié à la mode de la randonnée pédestre, en liberté ou accompagnée.

De nos jours, beaucoup de pèlerinages ne sont plus le fait de fervents pratiquants menant une démarche religieuse rigoureuse, mais sont utilisés pour obtenir une faveur divine, remercier d’une grâce obtenue ou faire du tourisme religieux. Ce dernier joue d’ailleurs un rôle non négligeable dans le développement de l’économie. Ce n’est pas un miracle qui a fait de Pau-Pyrénées un aéroport international, mais la présence de Lourdes.

Jérusalem, Rome, Compostelle

Les trois principaux pèlerinages chrétiens sont le pèlerinage de Jérusalem et en Terre sainte, le pèlerinage de Rome et celui de Compostelle.

Jérusalem et la Terre sainte. Un pèlerinage en Terre sainte, à travers Israël et la Cisjordanie, est un temps fort de ressourcement de la foi et de rencontre. Chaque chrétien fera le choix de son itinéraire, mais les circuits organisés proposent généralement de relier les lieux marqués par le passage et les actes de Jésus : Nazareth, le Lac de Tibériade, la vallée du Jourdain, Bethléem… et bien sûr Jérusalem, lieu de pèlerinage important pour les chrétiens qui veulent se rendre dans la ville où Jésus a été crucifié, parcourir le Chemin de croix et se recueillir dans l’église du Saint-Sépulcre. A noter que la ville étant sainte pour les trois grandes religions abrahamiques, elle attire également de nombreux pèlerins juifs et musulmans. C’est ainsi qu’au début du XXIe siècle, le pèlerinage de Jérusalem drainait 80% des 1,9 million de touristes débarquant en Israël. Les services de sécurité civile craignent particulièrement les suicides collectifs et les personnes victimes du syndrome de Jérusalem. Des pèlerins, pour la plupart protestants, rêvent pendant des années à cette visite en Terre sainte, mais la grande richesse archéologique de Jérusalem reflète la période turque, croisée et byzantine, sans aucune trace de l’ère préchrétienne, tandis que la plupart des sanctuaires chrétiens ont été soumis à la destruction, à la transformation ou à la défiguration au cours de leur histoire mouvementée. Comme la réalité n’est pas à la hauteur de leurs fantasmes, ils deviennent frustrés et se réfugient dans le délire. C’est ainsi que chaque année, une quarantaine de personnes seraient hospitalisées pour ce type de symptômes.

Rome. Lesiège des successeurs de l’apôtre Pierre demeure un pèlerinage majeur. C’est en 1300, alors que la perte du Royaume de Jérusalem rendait difficile le pèlerinage vers cette ville, que le pape Boniface VIII invita formellement les chrétiens à se rendre à Rome pour bénéficier de l’indulgence plénière accordée auparavant aux Croisés. Ce jubilé ayant lieu tous les 25 ans, la prochaine année sainte sera donc 2025.

La principale voie de pèlerinage vers Rome est la via Francigena. Il s’agit d’un réseau de routes et chemins empruntés par les pèlerins venant de France en suivant le chemin qu’aurait suivi Sigéric, l’archevêque de Canterbury, qui effectua le trajet vers Rome en 990. Cette importante voie de pèlerinage médiévale a été récemment l’objet d’un balisage et d’une reconnaissance par le Conseil de l’Europe en tant que « grand itinéraire culturel ».

Compostelle. Le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle est un pèlerinage catholique dont le but est d’atteindre le tombeau attribué à l’apôtre saint Jacques le Majeur, situé dans la crypte de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice (Espagne). Les chemins de Compostelle, qui correspondent à plusieurs itinéraires en France et Espagne, ont été déclarés en 1987 « Premier itinéraire culturel » par le Conseil de l’Europe. Depuis 2013, ils attirent plus de 200.000 pèlerins chaque année, avec un taux de croissance de plus de 10% par an. Les pèlerins viennent essentiellement à pied et, souvent, de villes proches. Les pèlerins espagnols sont majoritaires en été, ceux d’origine étrangère le reste de l’année.

• Outre ces trois pèlerinages majeurs, on peut encore citer les pèlerinages mariaux (culte marial) qui ont commencé à se développer au milieu du XIXe siècle. Le pèlerinage pour Notre-Dame de Lourdes est de loin le plus connu en France. En Belgique, il est notamment suivi à Beauraing, Banneux (Sprimont), Basse-Wavre (Wavre) et Berzée (Walcourt).

Les pèlerinages juifs

Jérusalem, la Judée, la Samarie, sont les grands lieux de pèlerinage du judaïsme, parmi lesquels le Mur des Lamentations, mur occidental du dernier Temple de Jérusalem, ainsi que le tombeau d’Abraham, de Jacob et des matriarches à Hébron, occupent une place très importante.

Des tombes de rabbins remarquables par leur sagesse donnent également lieu à des pèlerinages en Israël ainsi qu’en diaspora : celles de Rabbi Meir (IIe siècle) près de Safed, au nord d’Israël, de Éphraïm Al-Naqawa (rabbin séfarade du XIVe siècle) en Algérie, du Baal Shem Tov (fondateur du judaïsme hassidique au XVIIIe siècle) en Ukraine, ou celle de Amram ben Diwan (rabbin du XVIIIe siècle) près de Ouazzane, au Maroc.

Beaucoup de juifs effectuent aussi un pèlerinage à la synagogue de la Ghriba sur l’île de Djerba, en Tunisie (les Juifs de Djerba constituent l’une des dernières communautés juives vivantes du monde arabe).

Les pèlerinages musulmans

Il est recommandé aux musulmans d’effectuer le pèlerinage vers deux mosquées : la mosquée al-Haram à la Mecque ou la mosquée du Prophète à Médine.

La Mecque. Le pèlerinage à la mosquée al-Haram, ou mosquée sacrée, se subdivise en deux catégories : le « petit pèlerinage », qui peut se dérouler à n’importe quelle période de l’année, et le « grand pèlerinage », qui s’effectue entre les 8 et 13 du Dhû al-hijja, le 12e mois du calendrier musulman (en 2020, ce sera entre le 28 juillet et le 2 août).

Le grand pèlerinage (le hajj) est l’un des cinq piliers de l’islam, c’est-à-dire que tous les musulmans aptes sont tenus de le faire au moins une fois dans leur vie. S’il trouve son origine dans des versets coraniques de l’époque médinoise, il ne constitue pas pour autant une institution originale car il existait déjà un tel pèlerinage chez les arabes préislamiques. Il est l’objet d’un très grand prestige et demeure un facteur très important d’unité et d’échanges entre les musulmans du monde entier qui témoignent d’une profonde ferveur à cette occasion. Pour les mystiques, le trajet vers le lieu saint constitue symboliquement le voyage vers l’unité divine.

Le hajj reçoit annuellement plusieurs millions de pèlerins, ce qui en fait un des lieux de pèlerinage les plus visités du monde musulman. La croissance de la fréquentation est très forte et est liée à des raisons complexes dépendant de la notoriété croissante du site, mais aussi à l’évolution des mobilités et à la démocratisation du transport aérien. Ce nombre élevé de pèlerins a causé dans le passé récent plusieurs bousculades mortelles. C’est ainsi que le gouvernement saoudien, obligé de placer des dizaines de milliers d’agents de sécurité aux alentours des esplanades, a non seulement décidé de lier le nombre maximal de pèlerins à des quotas que doivent respecter les organismes organisateurs – devant l’afflux de demandes, certains pays musulmans ont recours au tirage au sort afin de désigner les fidèles qui accompliront le hajj –, mais qu’il a aussi établi, en 2013, une réglementation stipulant que chaque musulman ne pourra accomplir ce pèlerinage qu’une fois tous les 5 ans.

La mosquée de la Mecque, aujourd’hui d’une superficie de 400.000 m2, s’étend sur deux niveaux ainsi que sur une immense terrasse, un sous-sol et des esplanades. Elle peut accueillir 900.000 personnes, ce qui fait d’elle la plus grande mosquée au monde.

Médine. La mosquée du Prophète, à Médine, est la deuxième mosquée la plus sainte de l’islam après la mosquée al-Haram à la Mecque et avant la mosquée d’Al-Aqsa (à côté du Dôme du Rocher), à Jérusalem.

La mosquée originale a été construite par Mahomet. Les califes suivants l’ont agrandie et amélioré sa décoration. Pour faire face à l’afflux de pèlerins et les signes de fatigue de la mosquée, celle-ci a encore été plusieurs fois agrandie depuis la formation du royaume saoudien. Ainsi, le souverain Abdel Aziz étendit sa superficie à plus de 16.000m2 en 1951 et le roi Fahd à 160.000m2 en 1985. La mosquée du Prophète peut aujourd’hui accueillir 250.000 fidèles.

Les pèlerinages bouddhistes

Les bouddhistes du monde entier font, s’ils le peuvent, la visite des quatre lieux saints liés à la vie de Siddharta Gautama (Bouddha) : Lumbini, le lieu de sa naissance ; Bodhgaya, le lieu où il a atteint l’illumination ; Sarnath, le lieu où il a fait son premier sermon ; Kusinara, le lieu où il est mort. Le premier site est au Népal, les trois autres dans le nord-est de l’Inde.

Les quatre pèlerinages secondaires rappellent des faits « miraculeux » : Sankassa (où Buddha redescendit des cieux), Shravasti (où il réalisa divers miracles afin de convaincre les sceptiques), Vaishali (où il reçut d’un singe une offrande de miel) et Rajgir (où il subjugua un éléphant furieux).

Ces huit sites forment le groupe des « huit lieux saints bouddhistes ».

Les pèlerinages hindouistes

Dans un pays pieux comme l’Inde, le pèlerinage est plus que jamais un des piliers de la foi. Les lieux de pèlerinages hindous se comptent par dizaines de milliers dans ce pays, mais certains d’entre eux sont hautement sacrés et chaque croyant se doit d’entreprendre, ne serait-ce qu’une fois au moins dans sa vie, un de ces grands « Yatra ».

• Le Char Dham est le plus important de tous les pèlerinages hindous en Inde. C’est un circuit en quatre étapes qui passe par des sanctuaires situés aux quatre points cardinaux du pays, soit ceux de Badrinah (dédié à Vishnou) dans la vallée de l’Alaknanda(dans l’Himalaya, au nord), de Dwarka (Krishna), dans la presque-île du même nom (à l’ouest), de Rameshwaram (Shiva), dans l’île du même nom (au sud) et de Puri (Krishna), face au golfe du Bengale (à l’est). Les hindous croient que la visite de ces temples emportera leurs péchés et les aidera à atteindre moksha (libération du cycle de la mort et de la renaissance, le samsara).

• Les Sapta Sindhu. Parmi toutes les rivières de l’Inde, on en dénombre sept qui sont considérées comme sacrées et font l’objet, à certains endroits aménagés de leur cours et à leur source, de pèlerinages visant à la purification et la salvation. Ces sept rivières, les Sapta Sindhu, sont le Gange, la Yamuna, la Sarasvati (fleuve mythique ayant très probablement existé dans l’Antiquité indienne), l’Indus, la Godavari, la Narmada et la Kaveri.

• La Kumbh Mela. Le plus grand pèlerinage hindou est la Kumbh Mela qui est organisé une fois tous les trois ans, à tour de rôle, dans les villes saintes de Prayagraj (état de Uttar Pradesh), Haridwar (Uttaranchal), Ujjain (Madhya Pradesh) et Nashik (Maharashtra). Pour les hindous, ces villes sont saintes car elles reçurent une goutte d’amrita (nectar d’immortalité) lors du « barattage de la mer de lait » (mythe cosmologique de l’hindouisme), Kumbh Mela signifiant « fête de la cruche ». Après ces quatre pèlerinages, tous les douze ans donc, a lieu la Purna Kumbh Mela (ou grande Kumbh Mela) à Prayagraj, qui rassemble plusieurs dizaines de millions de personnes. Les estimations considèrent en effet que lors de la Purna Kumbh Mela en 2001, 70 millions de personnes se sont succédé sur les rives du Gange en trois semaines, dont 40 millions en une seule journée ! Ce qui en ferait non seulement le plus grand pèlerinage du monde, mais également le plus grand rassemblement humain au monde.

• D’autre sites constituent des lieux de pèlerinage hindouistes très importants, comme

le mont Kailash (la demeure de Shiva) et le lac Manasarovar. Tous deux situés au Tibet occidental, ils sont également visités par des pèlerins bouddhistes tibétains. Quant au plus vieux pèlerinage au monde encore pratiqué, il s’agit de celui de Kurukshetra, dans l’état indien de l’Haryana. Cette ville est en effet célèbre pour avoir été le champ de bataille d’un combat entre les Kauravas et les Pandavas, dont la guerre qui les opposa constitue la base de l’histoire du Mahābhārata, sans doute le plus grand poème jamais composé (81.936 strophes réparties en 18 livres).

Source : Wikipedia